Nestor

Ce n’est pas que Noël…
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Ce n’est pas que Noël qu’on célèbre cette année :
cette fois, près des santons, on fête ses cent ans, à Nestor.
On a mis les petits plats dans les grands,
les petits sont venus,
les grands aussi, bien sûr, ils sont tous là, et la joie de la venue
du divin Sauveur est multipliée… par cent.

Nestor a encore toute sa tête, il est encore bien valide, bien vaillant,
il habite chez sa fille depuis longtemps et cela le maintient bien fringant.
Il ne conduit plus depuis … un an.
On a dû lui crever les 4 pneus de sa voiture, pour qu’il ne conduise plus.

On trouvait que c’était plus prudent, à son âge,
de ne plus utiliser son véhicule pour aller au village.
Sa voiture, connue et re-connue de tous, était soigneusement
repérée, et évitée, le cas échéant, chaque fois qu’on le croisait,
au gré des 800 mètres qui le menaient chez son ami Fernand,
alors qu’il était toujours très prudent, droit comme un i , fier comme Artaban,
dans son véhicule d’antan, fièrement pétaradant.
Ainsi donc, il avait fallu utiliser la ruse pour immobiliser sa belle auto,
et de manière radicale, brutale, et phénoménale,
car on ne pouvait pas risquer qu’il crève …dans un accident.

On commenta l’incident des pneus crevés, en prétextant que de sales garnements
de passage, avaient agi, très méchamment, n’ayant comme passe-temps
que l’envie de faire les quatre cents coups. Ou de donner quatre coups.
De couteau.
Dans des pneus.

Pour la fête de ses 100 ans, ses enfants l’ont convaincu …très difficilement,
de quitter ses pantoufles, qu’il a aux pieds … continuellement.

Il se laisse amadouer, va au fond de sa garde-robe, et retrouve ses beaux souliers de marié.
Et là, il en est sûr, il les essaie, pour être bien sûr … oui. Alleluia !
Ils lui vont … comme un gant !

Il fait son apparition sur la piste de danse. On l’applaudit, on le congratule,
il virevolte même un moment avec Jacqueline, la bourgmestre, c’est son côté galant!
Il ne sent plus ses os, il ne sent plus les ans, il se sent …
pousser des ailes et il se met à valser comme un jeune homme,
qu’il n’a jamais cessé d’être. Dans sa tête.

Quelques jours plus tard, Nestor dort dans un fauteuil, près du sapin.
Noël est passé, son anniversaire est passé, s’est bien, très bien passé,
mais Nestor a mal … aux pieds.
Très mal aux pieds.
Au point que début janvier, on le fait examiner par le médecin de famille,
car ses pieds ont un drôle d’aspect. Très inquiétant.
De plus en plus inquiétant.
On dirait qu’un virus malfaisant s’est développé en dansant
dans ses souliers trop serrants.
Beaucoup trop serrants, et cela, à présent, chacun en convient aisément.

Oui. Nestor a eu trop à coeur de ne pas écouter le son du cor,
en voulant être très élégant pour ce très bel événement.

Aujourd’hui… Nestor dort du sommeil du juste.
Dans une grande boîte en sapin.
Avec ses pantoufles.

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