Ce matin je m’extrais de ma chambre douillette et je mets en marche mes gambettes.
Je pars travailler… mais qui va me féliciter?
J’aimerais bien, aujourd’hui, qu’on me complimente pour ce que je fais…
Au moment de traverser la rue je dois m’arrêter pour laisser passer un camion.
C’ est un camion tout vert, chargé du recyclage… du verre.
Sur chacun de ses flans s’étale ce slogan, en grand, comme pour exaucer mon souhait :
– MERCI POUR VOS EFFORTS DE TRI !
Un jour je passe près d’une poubelle.
Pleine d’esquisses de corps sculptés.
– C’est la fin du stage de terre glaise. Je me débarrasse de tous les essais non valables de mes apprentis-artistes, me dit une dame au regard noir anthracite.
Ils ont mal évalué la proportion de matière pour le corps à représenter : voilà des formes trop pleines pour un torse, trop de terre pour la tête, des pieds mal dégrossis. Ces êtres-là ne sont pas vivants. Ce n’est pas la terre porteuse de vie, re-présentant des humains.
Trop d’humus et pas assez d’humain. Je ressens une gêne. Ils ne sont pas achevés. Comme nous.
– Vous pouvez vous servir, si vous voulez !
Je ramène chez moi deux petites statues qui ne sont pas bien façonnées. C’est un homme et une femme agenouillés. Par terre.
C’est toi et moi en cours d’ achèvement. Toujours à remodeler.
Sous tes doigts agiles et intuitifs j’y arrive parfois.
Parfaitement.
Les mots nous dépassent… parce qu’ ils sont sons avant d’être sens.
Les images nous dépassent parce qu’ elles viennent de trop loin, et nous touchent trop vite, à une vitesse bien supérieure à celle du son.
La paix est en marche grâce à ses pèlerins, à pied, mais, à la guerre – comme à la guerre – on est « trop rapide sur la balle »… comme au football…
Le goal-qui perd a bien du mal… à arrêter les tirs, rien qu’avec les mains.
Lorsque les joueurs vont vers lui, balle au pied, il peut se faire « fusiller ».
Mais dans ces parties de « balle-au-pied » il y a toujours un arbitre pour lever son drapeau ou pour siffler la fin de la partie.
On compte les blessés et les exclus.
On dit » balle à terre, on ne joue plus « .
Avec des armes, quand on ne se tire plus dessus, on tire en l’ air.
On regarde son drapeau.
Et tous les observateurs du monde entier tirent… leur chapeau.
Jean-Jacques Rousseau, dans son « Essai sur l’ origine des langues » (œuvre posthume, 1781) ne manque pas d’humour quand il explique comment faciliter l’apprentissage de l’anglais…
« Pour savoir l’anglais, il faut l’apprendre deux fois ; l’une à le lire, et l’autre à le parler. Si un Anglais lit à haute voix, et qu’un étranger jette les yeux sur le livre, l’étranger n’aperçoit aucun rapport entre ce qu’il voit et ce qu’il entend. Pourquoi cela ? parce que l’ Angleterre ayant été successivement conquise par divers peuples, les mots se sont toujours écrits de même, tandis que la manière de les prononcer a souvent changé. Il y a bien de la différence entre les signes qui déterminent le sens de l’écriture et ceux qui règlent la prononciation. Il serait aisé de faire avec les seules consonnes une langue fort claire par écrit, mais qu’on ne saurait parler. ( … ) »
Apprendre une langue, c ‘est un peu comme apprendre l’ amour.
Cela peut se faire n’ importe où, n’ importe quand.
Mais pas …
n’ importe comment.
Ni avec n’ importe qui.
