Il aimait beaucoup la musique
et en jouait même très bien.
Il avait un jour voulu me faire rencontrer
deux artistes
qui étaient capables de jouer du piano
à quatre mains.
– Tu vas voir !
Il m’avait emmené avec lui en voiture
jusqu’à leur domicile.
Une maison qui ne payait pas de mine.
L’intérieur encore moins. Des murs nus, sans attraits, sans aucun portrait,
sans aucun tableau. Rien n’ embellissait leur demeure, c’était très surprenant :
aucun bibelot, aucun objet de décoration,
et pour cause, ils étaient aveugles.
Ses yeux à lui étaient comme deux gros globules blancs,
et elle, elle avait les yeux complètement clos, tout simplement.
Ils se mirent à jouer du piano superbement, sereinement,
en harmonie parfaite.
Sans enfants, c’est la musique qu’ ils aimaient faire naître,
ensemble, à quatre mains.
Le restant du temps, ils travaillaient comme accordeurs de piano
chez les aveugles de Ghlin.
Je n’avais que huit ans.
De retour à la maison,
maman a trouvé qu’il n’était pas nécessaire
de me faire rencontrer de telles personnes à mon âge :
– Quel besoin y a-t-il d’ aller voir des aveugles ?
En venant me faire la bise le soir dans mon lit,
papa m’a dit à l’ oreille :
– Demain, je t’emmène chez les Compagnons d’ Emmaüs !